29 avril 2019 – “Dance on the Moonlight” (23h45)Quand on travaille au “Dance on the Moonlight”, on finit par penser que les nuits se ressemblent toutes : ce sont toujours les mêmes regards que l'on croise, au détour d'un comptoir, tantôt naïvement heureux, tantôt désespérément vides. Il y a celles qui espèrent rencontrer l'homme de leur vie, qui s'y donneront sans se soucier des lendemains qui déchantent, et il y a ceux qui en profitent autant qu'ils le peuvent une nuit entière, puis disparaissent comme des voleurs ; il y a celles qui veulent juste se montrer
fortes et
indépendantes, qui veulent prouver qu'elles n'ont pas besoin d'homme à leurs côtés pour jouir de la vie, et ceux qui s'imaginent quand même pouvoir les posséder le temps d'un soir, qui s'y acharnent ; il y a celles, aussi, qui draguent lourdement, qui se languissent du corps masculin et le montrent sans aucune pudeur, quitte à choquer, et ceux qui les fuient autant qu'ils voudraient leur courir après. Il y a les frustrés, les impatients, les énervés, les maniaques, les timides, les égocentriques, les orgueilleux, les petits « m'as-tu-vu », les capricieux, les grandes-gueules, etc. Et il y a toi. Toi, tous ces jeux de séduction t'ennuient. À une époque, tu trouvais ça « intéressant » d'observer les humains et leurs mœurs. Mais c'est fini. Les humains t'exaspèrent, de même que leurs préjugés. Parfois, tu te demandes si vous ne devriez pas les
éduquer. Après tout, vous avez le pouvoir... qu'en est-il des responsabilités qui vont avec ?
Avec un haussement d'épaules indifférent, tu fais glisser ton regard de la piste de danse jusqu'aux verres que tu tiens entre les mains. Tout patron puisses-tu être, tu as toujours considéré que le meilleur moyen d'attirer le respect de tes employés était de ne pas hésiter à faire le sale boulot aussi, comme la plonge. Donc, cette nuit-là, rien d'étonnant à ce qu'on te voit à ce poste, sans veston noir sur le dos – il ne faudrait pas le salir –, ni cravate. Juste toi et les manches de ta chemise blanche retroussées jusqu'aux coudes. Il ne te faut pas plus de quelques deux minutes pour laver tous les verres. Quand la série est terminée, tu adresses un bref salut au jeune homme qui doit normalement accomplir cette tache seul ; celui-ci se fend d'un large sourire et te remercie pour l'aide apportée avant de retourner à ses occupations. Tu attrapes ta cravate abandonnée sur le dossier d'une chaise afin de la remettre en place, de même que ton veston noir, puis tu disparais à travers la foule de danseurs. En quelques secondes, tu étouffes sous la masse effarante de danseurs effrénés sans paraître t'en soucier et un sourire
courtois étire tes lèvres quand une jolie jeune femme croise ton regard et s'y fixe longuement. Tu aurais pu t'y intéresser. Un peu. Ça ne serait pas la première fois que tu te laisses aller dans les bras d'une cliente qui n'a pas la moindre idée de ce que tu représentes pour sa discothèque préférée.
Sauf qu'entre temps, ton téléphone portable a vibré.
D'un geste mécanique, tu récupères l'objet et fronces les sourcils en réalisant qu'on vient de t'envoyer un SMS avec un numéro privé. Tu n'ouvres pas le message, pas tout de suite, préférant d'abord rejoindre d'un pas décidé ton bureau. Une fois parvenu devant la porte, tu poses tes yeux sur un de tes vigiles ; d'un ton impassible, tu lui indiques de ne laisser personne venir te déranger, et tu entres dans tes locaux. Tu t'installes tranquillement à ton bureau et ouvres enfin le message qui comporte deux séries de chiffres. D'abord intrigué, tu abordes finalement la chose avec sérieux – sans pour autant écarter la possibilité qu'il ne s'agisse que d'une foutue mauvaise plaisanterie. Ni une ni deux, tu recopies soigneusement les chiffres sur un bout de papier, puis tu effaces le SMS de ton téléphone – après tout, qui dit message codé dit aussi volonté de n'être lu que par la personne à qui il est destiné, non ?
Trois quarts d'heure, c'est le temps que tu auras utilisé pour décrypter le SMS et le moins que l'on puisse dire, c'est que tu es franchement agacé. D'un œil amer, tu fixes le fond de ta poubelle où sont amassées les cendres d'un bout de papier. Enfin, tu te lèves sans un seul mot et quittes ton bureau. Tu préviens ton vigile que tu abandonnes les lieux plus tôt que prévu, parce que tu as un
« […] impératif familial. ». Il ne pose pas de questions. Pourquoi en poserait-il ? Tu es son patron, de toute façon, c'est toi qui donnes les ordres ici ; c'est toi qui dis qui bosse et quand.
Dans les rues, tu ne traînes pas. Tu cours. Tu dois avoir l'air con. Qui court en étant sapé d'un costard aussi classe que le tien ? Mais tu t'en fous. Tu t'en branles même. Tu veux juste arriver chez toi le plus vite possible, sans réfléchir au message. Te vider la tête. Avoir les idées claires. Pourtant, tu sais très bien que tu ne les auras pas quand tu lui répondras, que ça sera même tout le contraire.
30 avril 2019 – “Dance on the Moonlight” (01h30)Dix messages. C'est le dixième message que tu es en train d'écrire et tu n'es
jamais content de toi. Trop gentil. Trop connard. Trop doux. Trop dur. Et te voilà, à jeter au feu les innombrables essais jusqu'à finalement écouter ton cœur plus que ta tête et évacuer toute la haine que tu ressens. Elle ne mérite que ça, après tout. C'est une garce. Une salope. Elle n'avait pas le droit de t'envoyer ce foutu message si ça n'était pas pour te dire où elle est. Non. Aucun droit. C'est juste dégueulasse, parce que ça n'est pas elle qui va devoir prétendre ne pas en savoir davantage à son sujet devant Nicholas. Ça n'est pas elle que ça force à
dissimuler des éléments. Dans le fond, même si tu voulais, tu ne pourrais pas le lui dire : à quoi cela pourrait bien servir sinon lui donner de faux espoirs ?! Elle est
injuste, terriblement
injuste. Au fond, ça l'arrange bien que tu sois capable d'être un connard quand c'est nécessaire. Elle le sait bien,
trop bien.
Tu la hais.
Qu'elle le sache a quelque chose de réconfortant.
Pourtant, cette nuit-là, même après lui avoir envoyé ce foutu message avec un de tes téléphones jetables, ça ne t'aide pas à dormir. Tu ne fermes pas l’œil de la nuit. Tu ne cesses de ressasser le contenu de son SMS. Jusqu'à ce que tu craques et sortes du lit pour surfer sur internet. À la recherche d'une nouvelle, de quelque chose, un tout petit truc... Tu ne demandes pas la lune, tu veux seulement comprendre. Tu as besoin de donner du sens à ce foutu message. Tu ne veux pas croire qu'elle t'ait envoyé ça sans raison. Il doit bien y avoir quelque chose, même rien, qui puisse te mettre sur la voix.
Trois heure du matin.
Tu n'en peux plus.
Et tu retournes te coucher.
Tant pis si tu n'en sais pas plus ce jour-là.
[HRP : Ed, je t'ai taggé pas parce que c'est une intro sur toi mais pour que tu tombes facilement sur le sujet et que tu me dises si ça te convient ou non XD Bisous la belle !
]