Un an. Parfois, Torvald se réveillait et se demandait si autant de temps s’était réellement déroulé. La nuit, souvent, ça lui arrivait de se réveiller et de simplement regarder l’homme à ses côtés dormir. Parce qu’il l’aimait, déjà, et ensuite parce qu’il n’en revenait pas. Un an. Un an. Ce n’était pas possible. Tout était passé tellement vite.
Sa morsure. Le voyage. L’arrivée en Norvège. La galère pour trouver un appartement. Les loups complètement malades. L’autre loup qui se prenait pour un chien. Les emmerdes en tout sens. Les histoires abracadabrantes de tous les loups. A croire qu’ils n’avaient jamais quelque chose d’autre à faire qu’avoir des problèmes ! Et évidemment, il ne fallait pas oublier la rencontre avec l’autre folle qui avait bien failli lui refaire le cul. Enfin. Tout ça pour dire qu’ils n’avançaient pas des masses. Certes, leur couverture de protecteurs (enfin pour lui) fonctionnait à merveille. Et oui, la chasseuse ne se doutait pas qu’il lui avait filé une fausse identité. Oui. Mais sur le reste, c’était plus compliqué. Tout était plus compliqué. A commencer par leur relation. En s’affichant en tant que loup protégé aux côtés d’un protecteur, ils ne pouvaient plus – à croire les mœurs des loups norvégiens – être en couple. Vive le Roi qu’ils disaient.
Enfin. D’un autre côté, Sev, quant à lui, apprenait à maîtriser son loup et ça allait mieux au quotidien. Chaque jour qui passait lui permettait de s’entraîner, d’apprendre à connaître son loup, de se sentir mieux dans sa peau et ses (désormais) pattes. Bref. Tout allait mieux. Même ses tests sur les poisons, afin de pouvoir s’en prendre – véritablement – aux loups, commençaient à donner quelque chose. Quelques ombres aux tableaux néanmoins, la paranoïa grandissante de son mari, son stress à propos de leur relation, ou encore leurs difficultés à faire leur preuve aux niveaux des chasseurs norvégiens. Ils le savaient, l’un comme l’autre, allaient devoir faire leur preuve, à un moment ou à un autre. Sinon, ils finiraient par se faire dégommer et ça, ce n’était pas une bonne idée du tout. Certes, ils vivaient ensemble, profitaient de leur quotidien à tous les deux. D’ailleurs, Torvald avait désormais sa propre enttreprise. Ce n’était pas encore quelque chose de très florissant, mais il avait trouvé un bon petit filon. Un site internet de réparation en SAV, de confection d’ordinateurs et outils technologiques en tout genre, en bref, il travaillait depuis chez lui et c’était pas plus mal. Ca lui laissait plus de temps libre, plus de marche d’action et plus de possibilité pour se renseigner sur la ville et ses habitants. Que du bénéfique, ce dont il ne se plaignait, absolument, pas.

Ce matin-là, il dormait encore, bien tranquillement. Il s’était presque réveillé quand son mari avait quitté leur lit, avant de se rendormir – comme à son habitude. Autant une entrée par effraction, ou des cris, ou de la lumière, pouvaient le réveiller avec certitude, autant le mouvement fluide de l’homme à ses côtés pour aller pisser, n’avait aucune chance. Incohérence totale, mais ils s’y étaient faits, l’un comme l’autre. ainsi, Tor s’était rendormi et n’avait donc pas vu que son mari, lui, ne l’avait pas fait. Ni même entendu qu’il préparait le petit déjeuner – et pourtant Dieu sait combien il peut avoir faim à certains moments. Non, il s’était endormi, avait profité d’une plus grande place dans le lit pour s’y coucher en étoile de mer et attendait donc de pouvoir, tranquillement, profiter du reste de sa nuit. C’était sans compter sur la lumière qui s’allumait et sur le petit déjeuner qui arrivait. « Hmf. » Fut la première réponse de Tor qui, avec toute une délicatesse inexistante, se retourna sur le dos, faisant tomber de quelques centimètres le drap. « Bonjour. » Commença-t-il, taquin. « J’ai aussi passé une bonne nuit, merci. Et toi mon amour ? » Sarcastique jusqu’au bout, il tirait une tronche de dix pieds de longs qui ne mentait pas sur sa difficulté à se lever. Ce n’était pourtant pas inconnu au bataillon, le jeune chasseur n’était pas du matin. Pas du tout. Et de très loin. Lui, il préférait dormir, petit déjeuner vers 14h et seulement ensuite partir à la chasse aux gros méchants. Mais ce n’était pas du goût de son époux, plus matinal. « Ah ! Merci. » Répondit-il à la mention du petit déjeuner. « Tu peux le poser là. » Dit-il en montrant vaguement le bureau présent dans leur chambre, avant de retourner en étoile de mer sur le ventre, et de tenter de retrouver son bon sommeil.

Hmpft. Non, il n’y avait pas de humpft qui tenait ! Marre des grasses mat’ sans fin, il avait envie de profiter de son homme, de la journée, alors mission 1,  réveiller Tor tout en douceur. Enfin en douceur, avec sa douceur à lui, ce qui n’était pas forcément très doux au final. Il eut un petit sourire en le voyant se retourner, et un sourire encore plus grand lorsqu’il aperçut quelques centimètres de peau en plus. Mn amour ? Sérieusement. « Ne commence pas à m’insulter dès le matin, chéri… par ce que je peux y aller aussi en petit surnom, n’est-ce pas nounours !» Des petites piques, feraient le bonheur des deux et avec un peu de chance son cerveau s’activerait un peu plus rapidement qu’habituellement !  L’autre le remercia et lui montra le bureau pour poser le petit dej avant de faire l’étoile de mer sur le ventre. «Tu sais que tu ne devrais pas te mettre dans cette vile position tentatrice. » Est-ce que l’autre croyait vraiment que Sevastyan allait abandonner là ? Que nenni, il pouvait se fourrer le doigt dans l’œil. Avec la bonne odeur du pain, et des viennoiseries, du café, Sevastyan alla s’installer à côté de son homme pour manger en faisant bien attention à bien faire croustiller tout ce qui pouvait être croustillant. Après quelques bouchées, il s’essuya la bouche avec une serviette, posa le plateau à côté de lui, mais assez loin pour que  ce dernier ne tombe pas en cas de geste brusque –du moins en théorie-. Ses mains étaient encore fraiches, beaucoup plus fraiches que le corps probablement chaud de son mari, alors il ne trouva rien de mieux, que  de le pincer un peu au niveau des cotes avec ses mains froides. «  Tu vas manger froid… ou alors il n’y aura plus rien à manger et vu que l’on a pas fait les courses…. Ben tu devras rester le bidou tout vide. C’est triste non  pour commencer une journée ? » Il se cala ensuite contre lui, lui déposant un tendre baiser sur l’épaule, avant de lui souffler un peu dans le cou. Oui ce matin, il se sentait d’humeur joueuse, taquine, et chiante. Et il avait spécialement envie d’avoir le dernier mot… mais non, il n’irait pas jusqu’à tenter de lui fourrer genre une cuillère de pâte à tartiner dans la bouche –ni rien d’autres d’ailleurs-. Non, il ne sortirait pas le mégaphone non plus… enfin pas encore, peut-être que si, s’il essaye un strip-tease, il réveillerait un peu l’ours qui dormait !

« T’insulter ? » Il bailla, amusé. « Moi ? Pas mon genre. » Pas du tout. Après tout, Torvald était connu pour sa sympathie, sa délicatesse, sa gentillesse, sa patience à toute épreuve… Quoique, ça encore c’était crédible. « Nounours. » Répéta-t-il, avant de rouler des yeux. Il était beaucoup trop tôt pour qu’il ai une remarque à faire, instantanément. Bien sûr, il ne doutait pas de ses capacités – exceptionnelles – à sortir des remarques en tout genre à tout moment, mais le matin était le talon d’Achille de ce grand gaillard. Ainsi donc, réfléchir ne faisait pas partie de son quotidien avant, eh bien, qu’il réussisse à émerger totalement ce qui pouvait prendre un certain temps. Et à vrai dire, il hésitait même à allonger ce temps, juste par principe. Après tout, Monsieur Svensson venait d’oser le réveiller pour quoi ? Manger. Bon, soit, le principe était plutôt bien, attrayant en réalité, sauf qu’il y avait une variable qui lui déplaisait beaucoup dans cette équation : le réveil. Autant dire qu’il préféra ne pas bouger de son lit, calé sous les couvertures.

Ainsi donc, de nouveau sur le ventre – position la plus confortable au monde, il profita l’espace de dix secondes d’un silence reposant. Dix secondes, pendant lesquelles il crut, même un court instant, pouvoir s’endormir à nouveau. C’était sans compter sur la tête de bois qu’était son mari. Pourtant il le savait. Il savait parfaitement qu’il n’allait pas abandonner aussi facilement. Il l’avait épousé pour ça. Ou presque. Enfin, ça comptait. Donc, toujours est-il qu’il aurait dû s’en douter. Comme toujours. « Tentatrice ? » Souffla-t-il dans les draps. Il ricana. Ne répliqua pas. Comme dit, il n’y avait pas beaucoup de neurones connectés en début de journée, même si… Il aurait pu en connecter un en particulier. Enfin, là n’était pas la question.

Il senti son époux s’asseoir à côté du lit et les bruits de mastication vinrent, rapidement, gêner son repos matinal. En tout cas, sa tentative de repos matinal. C’est alors que, se désolidarisant de sa rébellion face à ce réveil, son estomac se mit à aller dans le sens de Sev. Oui, effectivement, il avait faim. Et, effectivement, tout ce qu’il entendait et sentait lui donnait envie. Il se retourna, vers son époux, les yeux embués d’un certain sommeil. « T’es pas chiant toi dans ton genre. » Commença-t-il, sympathique. Un bâillement s’échappa de ses lèvres, avant qu’il ne se redresse dans le lit. « Et comment comptes-tu te faire pardonner de ce réveil brutal ? » Laissa-t-il alors entendre. Oui, il était une véritable drama queen et le vivait parfaitement bien.

Sevastyan était par moment attendri, puis agacé, puis exaspéré puis amusé par l’attitude larvesque de Tor le matin, pourtant après tout ce temps ensemble, il avait l’habitude, mais il avait toujours du mal à s’y faire ! Il avait bien du mal à comprendre comment cette grande carcasse pouvait mettre autant de temps à connecter ses neurones le matin, sérieusement, ce n’était pas compliqué pourtant ! Autant si cela lui arrivait de temps en temps, c’était normal ! Mais chaque jour… non, vraiment, sur ce point-là son homme abusait vraiment, même si ce n’était pas vraiment de sa faute ! Sevastyan fut déçu  que le nounours ne trouve aucune réplique mais avec Tor, il était capable de revenir dessus dans une heure ou deux, une fois que l’autre aurait bien oublié cette pseudo-insulte. Aller, on se relève un peu pour petit-déjeuner ! Et après tout ira mieux ! Mais non… l’autre garçon ne semblait pas franchement l’entendre de cette oreille. Tant pis, ils joueraient au plus chiant, ou au plus têtu suivant le point de vue.

Alors tant pis, il allait faire son relou national, il s’installa donc à côté de son mari et commença à manger espérant que cela le réveillerait. Allez le côté glouton de Tor, on prend corps de son… et bien corps, on le fait bouger, arrêter cette foutue léthargie. Et miracle cette nouvelle technique sembla un peu mieux marcher, en effet Tor se retourna vers lui et fit une phrase qui ressemblait déjà un peu plus à ce qu’il disait lorsqu’il était réveillé. «En même temps, ce n’est pas pour mon côté bisounours que tu m’as épousé, me semble-t-il. » lança-t-il amusé avant de rajouter rapidement «Si je n’étais pas chiant tu t’ennuierais, et puis si tu te levais pas à une allure d’escargot asthmatique, peut-être que j’le serai moins, ou ptet pas, qui sait ? » Si Tor était endormi, Sev était plutôt d’humeur… disons joviale. C’est peut-être le mot qui correspondrait le mieux ! «Comment, je vais faire pour me faire pardonner ce réveil brutal ? En te faisant ton petit dej que je t’apporte au lit, avec des trucs que tu adores, mais tu préfères, j’peux aussi soit te foutre ma main dans ta tronche, on restera dans le brutal. Hum ? Mais ne compte pas sur moi, pour me faire pardonner de la façon dont tu penses.» Délicatesse. Il se pencha quand même sur le côté pour lui déposer un petit bisou sur la joue, avant de lui pincer un peu la dite joue. « Bon, si tu continue d’être grognon, on mange des carottes à midi histoire de te rendre un peu plus aimable. » Il lui tendit, sur ses bonnes paroles une viennoiserie, une de celles que préférait son homme.

« Je cherche encore ton côté bisounours. » Répliqua-t-il, un sourire charmeur sur les lèvres, malgré ses paupières tombantes de sommeil. Il n’était pas du tout convaincu par son air charismatique du moment, mais ses répliques avaient la vie dure. Pire encore, il ne les contrôlait pas vraiment. Il soupira à la mention de l’escargot asthmatique, tout en reposant sa tête sur l’oreiller. « Toujours des reproches. » souligna-t-il, en faisant une petite voix plaintive, comme s’il était mal aimé par son mari. Chose qui était assez surprenante, mais tout autant amusante. De toute façon, il n’était pas réellement connu pour son sérieux. Bien au contraire. « Vient pas me donner une leçon d’amabilité. » Bien qu’il ne fût pas du genre à vouloir jouer sur le côté grognon de son ami, surtout depuis sa mutation (parce qu’il craignait que ce dernier ne supporte pas encore les vannes à ce sujet), il n’était tout de même pas en bonne position pour lui faire la leçon. Et de très loin. « Me faire mon petit-déjeuner, avec des choses que j’aime est une chose normale. » Il ouvrit un œil, joueur. « Tu devrais même le faire tous les jours. Je trouve qu’il y a un grand manque d’implication de ta part dans notre couple. » Rajouta-t-il, toujours dramatique. Parce qu’il aimait ça. Il trouvait ça très amusant d’en rajouter une couche. Surtout quand il n’y avait aucune raison de le faire. C’était toujours à ce moment-là que c’était le plus intéressant.

Suite à ces quelques paroles gracieuses, il s’étira dans le lit, faisant tomber un peu plus bas le drap, dévoilant au fur et à mesure son corps. Il l’aurait fait exprès que ça aurait été encore plus intéressant. Mais là n’était pas (encore) la volonté du jeune homme. « Hmf. » Enchaîna-t-il, bien décidé à rester au lit le plus longtemps possible. Et, puis, en plus, si ça pouvait embêter son époux, juste le titiller, ça l’amusait grandement. « Tu sais, si t’aimes croquer de la carotte, j’en ai une grosse à t’offrir. » Glissa-t-il, quelques secondes plus tard, ravi de sa petite blague. Enfin, il n’aurait pas dit non à quelques plaisirs sexuels, mais il doutait de la volonté de son époux à ce niveau-là. Pas qu’ils soient malheureux, mais tout simplement parce qu’il n’allait sans doute pas l’embêter à le faire sortir du lit, s’il voulait y rester plus longtemps. N’est-ce pas ? Passant sa main gauche dans ses cheveux, il attrapa avec sa main droite la première chose qu’il trouva sur le plateau et croqua dedans. « C’hest bon. » Qu’il ajouta, la bouche pleine, profitant bien du moment pour mâcher et avaler. Manquerait plus que son mec le pousse à manger vite, car il ne pouvait pas attendre qu’il avale. C’était d’ailleurs bien la première fois que ça lui arriverait !

«Il est peut-être enfoui, quelque part, ce côté-là et il faudra que tu le découvres… plus tard.» Oui, il y avait un gros sous-entendu là-dessus et il avait bien fait exprès de mettre l’accent dessus. Au mot reproche, il haussa simplement les épaules. «c’est mignon une petite cagouille et ça bave partout, un peu comme toi quand tu dors. »  Non, promis, il n’en profitait pas du tout que l’autre soit encore à moitié endormi pour lui sortir quelques vacheries, ce n’était pas du tout son style *tousse*. «Si je t’appelle Monsieur le Roi, tu me sens de suite plus impliqué, et j’serais quoi moi, le fou du roi ou son esclave ? » le railla-t-il plus amusé qu’autre chose. «Tu vas arriver à me faire pleurer, vilain garçon, tu as vraiment un mari pourri, pauvre petite chose qui ne se fait pas apporté le petit dej au lit tous les jours. » Tiens, la prochaine, il lui foutrait peut-être n laxatif dedans, juste pour qu’il se lève un peu plus vite ! C’était une idée à garder en tête qui pourrait être très marrante.

Et Monsieur le Roi Tor, s’étira faisant apparaitre son corps divin. Dieu Tor. Ahahah. Voilà, comment il devrait l’appeler. La bonne blague !  Il inspira grandement, essayant de refouler quelques instincts de reproduction, enfin, reproduction, façon de parler. Il ricana à la nouvelle vanne de son mari sur la carotte. «De un grosse, tout est relatif, de deux, si la croque, tu risques de pas apprécié, j’suis pas train que d’avoir une carotte un peu tronquée te plaise réellement, sans compter la douleur et que tu vas pisser du sang, et probablement crever. Par ce que quand, je croque, je croque… » Il eut un petite haussement de sourcil et un regard taquin. Il espérait qu’il imaginerait bien cette histoire de croquer…. Mais après, il aurait pu lui demander de faire autre chose avec sa carotte, avec un autre verbe qui resterait dans la dégustation. Le ch’est bon, était un grand compliment qui ravi Sev de lui faire plaisir… mais il aurait bien voulu qu’il passe à la vitesse supérieure histoire de passer aux choses sérieuses : à savoir leur boulot, les avancées, parler poisons et compagnie, mais pour cela, il fallait qu’il ait l’entière attention de son compagnon et donc que ce dernier soit bien réveillé.

« Plus tard ? » Comment ça plus tard ? Torvald pouvait se montrer très patient, mais quand il s’agissait de son époux, il n’appréciait pas de faire trainer les choses. Le faire languir n’était donc, pas du tout, une bonne idée. Et oui, il l’assumait complètement. « Pourquoi pas maintenant ? » Laissa-t-il entendre, un regard coquin détaillant le corps de celui qui partageait sa vie. Il n’était pas décidé à sortir du lit et, quitte à négocier une partie de jambes en l’air, autant profiter de leur présence – à eux deux – dans le lit. N’est-ce pas ? Il avait toujours de bonnes idées, il le savait parfaitement. « Je ne bave pas. » Rétorqua-t-il, pas réellement sûr d’apprécier ce genre de remarque. Et puis, de toute façon, il n’avait aucune preuve. Enfin, il n’allait pas lancer Sevastyan sur ce terrain là, puisqu’il craignait réellement d’être filmé pendant son sommeil. Voire pire. « Majesté suffira pleinement tu sais. » Rétorqua-t-il, presque amusé par la situation qu’il prenait – peut être, un peu trop au sérieux. Après tout, pourquoi ne pouvait-il pas profiter de l’occasion pour recevoir de tels compliments, clairement mérités ? N’était-ce pas là, la place même de son mari : lui rappeler son importance et sa grandeur ? Peut être qu’il partait un peu loin, mais il préférait nettement garder ses pensées pour lui. Pour le moment en tout cas. « J’ai un mari qui tente de me faire du chantage affectif oui. » Répliqua-t-il, pas du tout surpris par le comportement de Sev. Après tout, il était le premier à se comporter de la sorte. Ne s’étaient-ils pas bien trouvés ? Enfin, il n’allait pas non plus trop se jeter des fleurs, il devait encore passer la journée.

« Oui bon… Après, t’es pas non plus obligé de prendre tout à la lettre. » Là, subitement, il était parfaitement réveillé. L’image de son compagnon avec une tête de loup, lui pratiquant une fellation, devenant subitement macabre, lui avait passé toute envie de s’amuser avec lui. « Voilà, tu viens de ruiner mon petit déjeuner ! » Il soupira, se passa une main dans les cheveux. Peut être même qu’il allait vomir tiens… Bon, il préféra finir son déjeuner – tout de même, il n’allait pas gâcher – et fini par se lever et enfiler le premier t-shirt qu’il trouva. Quelques pas plus tard, il attrapa un jogging, dans lequel il se glissa. Le tout, dans un silence plutôt inquiet. Sevastyan n’était pas sérieux après tout ? Non, parce qu’en soit il acceptait – difficilement, mais tout de même – sa nouvelle nature, mais de là à faire des jeux sexuels avec… Disons qu’il y avait un fossé. Peut être même un cratère. Ou un océan. Enfin, il avait compris son image. Il n’était pas du tout, mais alors pas du tout, motivé par de tels jeux. Et il espérait que cette idée n’était là qu’une blague. Par précaution, il préféra donc ne pas mentionner à nouveau cette idée loufoque. Après tout, il n’avait pas particulièrement envie que Sevastyan y réfléchisse longuement. « Bon, ce réveil c’était pour quoi du coup ? » Lui demanda-t-il, persuadé que son époux n’était pas venu lui faire à manger au lit, juste par plaisir. Même s’il pariait qu’il tenterait de lui faire croire le contraire. C’était même évident après tout. N’aurait-il pas fait pareil ?

 « Par ce qu'on a plein de choses à faire et à voir, ne te montre pas si impatient, petit padawan.» Et tout en parlant, presque comme il le ferait à un enfant grognant, il lui pinça un peu le nez mais n'osa pas à aller jusqu'au « regarde j'ai bout de ton nez », non là ça allait probablement trop loin pour un Tor mal réveillé, le bougre serait capable de très mal le prendre et de bouder pendant le reste de la journée, or ce n'était pas franchement le but. Il préféra ne pas revenir sur la bave, mais se contenta d'hausser les épaules en faisant comme si son époux se voilait juste la vérité, non par ce que bavait ça restait quand même quelque chose de naturel, pas de glamour certes, mais quand même. Il ricana un peu  « Sa Majesté, suffit.... je peux rajouter un petit truc derrière du genre Sa Majesté des chieurs- mais super sexy », non oublier la deuxième partie, elle est vrai mais tu prendrais trop vite la grosse tête, sa Majesté des chieurs est probablement mieux, tu en penses quoi, Sa Majesté ?!» Tor était un chieur, mais c'était son chieur qu'il n'échangerait pour rien au monde. Non, c'était bien trop plaisant de pouvoir être avec quelqu'un qui vous envoie des vannes toute la journée, ça donnait toujours à la vie plus de piquant ; plus de saveur. Et puis, il fallait que l'un et l'autre soient inventifs au fur et à mesure des années, histoire de se renouveler un peu.  « Le chantage affectif, vraiment ? Moi ? Tu trouves ? Je crois que tu as parti en mode drama-queen gay. Je suis pas certain d'apprécier cela, tu sais comme en voit dans les films, ceux qui sont hyper maniérés -tous-, et parle d'une voix haut perchée.» Par ce que dans la vraie vie, oui, ça existait, mais au final tous les mecs qui agissaient comme ça n'étaient pas gays, et en plus la plupart des gays n'agissaient pas comme ça, alors bon ! Ce genre de clichés étaient agaçants, et pourtant, il ne pouvait pas, d'une certaine manière, s'empêcher de les entretenir lorsqu'il lui disait ce genre de choses. C'est pas bien Sev', vraiment pas bien !

Il haussa un sourcil perplexe à la réaction excessive de Tor, se demandant pourquoi est-ce qu'il prenait ça comme ça... Ils n'avaient pas être dûs sur la même longueur d'onde et rapidement, il trouva : ce n'était pas le fait qu'il se fasse mordre son enfin au sang qui le faisait réagir comme ça, mais plutôt la façon.  « Je n'ai jamais parlé de mutation, Tor. Mes dents, comme ça sont assez efficaces comme ça.» Oui, il avait besoin de faire la précision, mais c'était probablement plus pour en rajouter une coucher, que pour qu'il n'y ait pas de mal entendu. Au pire s'il craignait de se faire bouffer les parties par un loup, il pourrait se rajouter un protège coquille à la prochaine sortie en  foret, cela lui donnerait quelques secondes/minutes (?) de large... ou pas ; Il n'en savait trop rien au final. Mais au point cette incompréhension avait eu du bon, l'autre avait fini son repas en faisant en parie la gueule mais après il était parti se préparer, enfin enfiler un tee-shirt probablement pas très propre ainsi qu'un jogging absolument pas élégant. Parfait, au moins ça l'aiderait à se concentrer, même si l'attrait de ses bras musclés était fort.   «Ce réveil, c'était …. juste pour te plaire, mon petit sucre d'orge. » c'était vraiment ridicule, ce surnom, il était certain que son mari allait tiquer, tiens, la prochaine fois il allait pouvoir tester ma « barbapapa à la fraise et vanille », ou un autre truc de ce genre.  «C'est vexant de croire que je fais tout avec une arrière pensée... » En fait, pas franchement, mais bon, lui aussi pouvait faire sa drama-queen, il n'y avait pas de raison qu'il n'y ait que Tor qui s'amuse avec le sujet ! Mais dans un sens, oui, il avait vraiment voulu lui faire plaisir, et d'ailleurs il ne tarda pas à ajouter.  «La prochaine fois, j'te réveille avec des glaçons posés sur son corps, et un pichet d'eau froide, comme ça, tu ne pourras plus te méprendre, mon cœur. » Et oui, il en était capable.

« Je suis super sexy. » Laissa-t-il entendre, en remettant une mèche en place. « Donc ce n’est que me rendre mon dû de m’appeler de la sorte. » Oui, il était très sérieux. « Après, j’avoue que Sa Majesté suffit. » Il ne voulait pas non plus trop profiter de sa situation et de sa perfection. Le souci à toujours être meilleur que tout le monde, c’était de culpabiliser et complexer les autres. Chose qu’il ne voulait surtout pas faire vivre à Sev. Pour autant, bien qu’il se donnait des airs de grand dragueur, qui savait toujours tout et qui était parfait, Torvald savait pertinemment qu’il n’était pas ainsi. Jouer sur les apparences lui avait toujours plut, il le faisait donc dès qu’il le pouvait. « Comme ça ? » demanda Tor suite aux remarques de son époux, jouant aux clichés homosexuels. Bien qu’il s’en amusât avec Sev, ce n’était pas quelque chose qui le faisait rire. Bien au contraire. Il acceptait que chacun ai sa façon de vivre et sa vision du monde, mais les couples homo se battaient tellement pour un respect, dans le monde entier, qu’il ne trouvait pas ça bon de jouer sur des clichés et de continuer à les propager. De son point de vue, ça desservait complètement la cause. Enfin, là n’était pas le moment d’entrer en débat interne, il n’était pas vraiment sûr de s’en sortir, ni de vouloir partir là-dessus. Même en pensées, ça finissait toujours par l’emmerder.

« Ah ça je sais. » Laissa-t-il entendre, sourire coquin sur le coin du visage. Et il y avait des années de pratique derrière ! Pour autant, l’image horrible de son compagnon en loup, lui dévorant le gland, ne lui plaisait – mais alors – pas du tout. D’une certaine façon, il s’en voulait. Comment pouvait-il dire qu’il aimait encore Sev, quand son changement de corps le dégoûtait autant ? Etait-ce grave de ne pas supporter ce qu’il était devenu ? Etait-ce même normal ? Torvald aurait aimé pouvoir en parler à quelqu’un. A n’importe qui. Une louve, un loup, un chasseur, un protecteur, rien à foutre. Il aurait aimé pouvoir se confier, en toute simplicité, sur les sentiments partagés qui l’animait, parfois. Oui, il en aurait pu en parler à son époux – le premier concerné d’ailleurs – mais était-ce réellement nécessaire de lui en parler ? de l’inquiéter ? D’une certaine façon, Torvald n’avait pas encore décidé. Il ne savait pas. Dans un flou complet, il préférait, comme toujours, faire son show, faire comme s’il n’avait besoin de rien, ni de personne, plutôt que de parler de ses plus grandes angoisses. Il avait toujours préféré réfléchir dans son coin et marmonné ses problèmes, plutôt que les confier au monde entier. Là n’était pas sa vision de la vie, ni même sa façon de faire. Enfin. Pas pour lui. Ce qui, bien évidemment, pouvait conduire à différents soucis, mais bon. Il saurait les gérer le moment venu. « Tu fais tout avec une arrière-pensée. » Ajouta-t-il, amusé. « Je n’ai jamais dit que ces arrières pensées étaient déplaisantes. » Après tout, lui aussi il en avait des arrière-pensées et, à cet instant, elles étaient très – très – sympathiques. « Oh tu peux me réveiller avec des glaçons. » Il haussa les épaules. « Tant que tu les suces derrière. » Sourire amusé sur le visage, il était ravi. Ravi de détourner chaque situation de la sorte. un vrai petit jeu, il était même certain de pouvoir battre un record.